Au Népal, la Croix-Rouge soigne les blessures invisibles après le séisme
Au Népal, la Croix-Rouge soigne les blessures invisibles après le séisme
Le séisme dévastateur qui a frappé le Népal en 2015 a engendré des centaines de répliques. Les habitants, baignant dans une atmosphère de mort et de destruction, sont enfermés dans une cauchemar permanent. Avant que certains villageois ne développent des symptômes chroniques, la Croix-Rouge apporte un soutien psychosocial aux communautés durement touchées pour soulager les esprits traumatisés par cette catastrophe qui a ravagé leur quotidien.
Ouvrir les vannes des émotions
Quelque 70 femmes, hommes et enfants, deux nourrissons et même une chèvre se sont réunis sous un abri que des villageois ont récemment fabriqué à l’aide de matériaux récupérés dans les maisons en ruines.
La majorité des survivants de Khalte, un village reculé dans le centre du Népal, perché au sommet d’une colline, écoutent attentivement les paroles de Jaya Shree Silpakar, l’une des deux conseillères de la Croix-Rouge du Népal venues apporter un soutien psychosocial.
Il aura suffi de 55 secondes, le 25 avril 2015, pour réduire la majorité des maisons de boue et de pierre de Khalte en monticules de gravats. Dix personnes ont péri et 12 ont été blessées.
Une fois que Jaya a fini de parler, un long silence s’installe. Il n’est pas dans la culture népalaise d’exprimer ses émotions en public. Un homme d’âge mûr prend soudain la parole : « Je fais tous les jours des cauchemars. Je vois des maisons fissurées, des cadavres déambuler. Je suis littéralement terrorisé. »
Ces propos, en quelque sorte, « ouvrent les vannes ». Les mères évoquent leurs enfants, qui ne cessent de se disputer ou alors restent silencieux, qui ont des sautes d’humeur, refusent de jouer ou s’accrochent à leurs parents.
Jaya, une jeune femme de 24 ans, donne tour à tour la parole à chacun. Attentive à chaque récit, elle affiche empathie et chaleur humaine, sans oublier de prononcer des paroles d’encouragement chaque fois que nécessaire.
À l’issue de la séance, elle demande au groupe de fermer les yeux pendant une minute et prononce ces mots : « Pensons aux âmes disparues, remercions la nature, qui certes a été cruelle mais qui nous a épargnés, et promettons-nous d’aller de l’avant en faisant preuve d’une plus grande solidarité. »
Le silence s’installe de nouveau jusqu’à ce qu’un enfant puis plusieurs éclatent de rire. Et tout d’un coup, toute l’assemblée est prise d’un rire cathartique.
Surmonter les angoisses et reprendre le cours de sa vie
Grâce à ces jeunes femmes, je respire à nouveau
, explique Chitra Kumari Agasthi, une magnifique dame aux cheveux blancs. Elles m’ont fait comprendre qu’il était normal de sentir le sol trembler sous mes pieds même s’il n’y avait pas de secousse, ou d’aller chercher de l’eau et de réaliser à la source que je n’avais pas emporté de récipient. J’ai compris que ce ne serait pas toujours comme ça.
À côté d’elle, Jaya et sa collègue consolent une femme qui pleure sa belle-mère. C’était l’heure du déjeuner. Quand nous l’avons extirpée des décombres de la maison, elle serrait encore fermement une boulette de riz dans sa main », ne cesse-t-elle de répéter.
Nous essayons de permettre aux habitants des régions lourdement touchées d’exprimer leurs craintes, de mieux se préparer à vivre dans l’incertitude, et de comprendre qu’ils ont une réaction normale face à un événement anormal. C’est une manière d’empêcher que le traumatisme initial ne devienne chronique
, explique Yubaraj Adhikari, qui dirige le programme psychosocial de la Croix-Rouge.
Merci
, dit Chitra Kumari au moment où les conseillères quittent le village pour se rendre dans un autre endroit. J’aurais aimé que vous restiez avec nous plus longtemps.