Les voix silencieuses des victimes de violences sexuelles en RDC
Sortir la peur au ventre pour aller travailler. Subir une agression sexuelle au milieu d’une forêt. Tomber enceinte. Affronter le rejet social. En République Démocratique du Congo, 1 femme sur 4 a déjà subi des violences sexuelles dans le cadre de conflits armés.
Les ‘maisons d’écoute’ mises en place par la Croix-Rouge offrent aux personnes survivantes un refuge et du soutien.
Le récit d’Henriette
Henriette a fui son village. Son mari a disparu. Pour nourrir ses enfants, cette femme de 30 ans ramasse et vend du bois de chauffage. Dans la forêt proche du camp de personnes déplacées où elle vit, elle s’est retrouvée séparée de ses amis. C’est à ce moment qu’elle a été violée par un homme qui était armé d’une machette.
« Après mon retour au camp, je ne suis pas sortie pendant plusieurs jours. Je voulais me jeter dans le lac, et si je ne l’ai pas fait, c’est seulement parce qu’il n’y avait personne pour s’occuper de mes enfants. Un jour, j’ai entendu des gens de la Croix-Rouge parler des ‘maisons d’écoute’. »
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), avec le soutien de la Croix-Rouge de la RDC, soutient les ‘maisons d’écoute’ situées à la périphérie de Goma. Ces refuges offrent une bouée de sauvetage psychologique aux survivants et les orientent vers des établissements de santé pour des soins médicaux cruciaux. Selon les besoins identifiés par des équipes multidisciplinaires, une aide financière leur est également accordée.
« J’avais peur de m’approcher. Peur de ce que les voisins pourraient penser. Mais j’ai bien écouté de loin ce qu’ils disaient et je suis venue ici quand ils sont partis. On m’a envoyée à la clinique et on m’a dit que j’étais enceinte.
Il y a tant de questions qui se bousculent dans ma tête : ‘Qu’est-ce que je vais faire ? Comment vais-je nourrir mes enfants ? Qu’est-ce que mon mari va dire s’il revient ?’ Mais je sais au moins que je ne suis pas toute seule. Il y a tant d’autres femmes à qui ça arrive. Et ça aide un peu d’une certaine manière. »
L’histoire de Trésor
Alors qu’ils ramassaient du bois de chauffage, Trésor et un ami se sont retrouvés face à quatre hommes armés. Ceux-ci leur ont dit de se mettre à terre et d’enlever leur pantalon. L’homme de 57 ans se souvient.
« ‘Je ne suis pas une femme ! Qu’est-ce que vous faites ?’, leur ai-je crié. ‘Mettez-vous à terre et vous verrez bien’, ont-ils répondu en hurlant. Je n’avais jamais entendu parler de ça avant. Des hommes qui attaquent des hommes de cette façon. Mon ami n’a pas survécu à l’attaque.
Ma femme a essayé de me réconforter. Elle m’a dit que ce n’était pas de ma faute. J’ai souffert terriblement pendant plusieurs jours. Puis je me suis décidé à venir à la ‘maison d’écoute’. »
La montée en flèche des violences sexuelles est liée à l’intensification des conflits et à la fragmentation des groupes armés à l’est du pays. Dans ce pays déchiré par les conflits, les victimes de violences sexuelles, en plus de leurs blessures physiques et mentales, affrontent le rejet social et l’exclusion économique.
Elles errent alors dans un isolement écrasant, avec plus de la moitié choisissant le silence plutôt que de demander de l’aide ou de parler à leurs proches. Cette proportion est encore plus importante chez les enfants et les hommes, dont les voix sont étouffées par la honte et la peur.
L’histoire d’Odette
Odette, 69 ans, et son plus jeune fils vivent dans un camp de Goma depuis le mois d’octobre 2022.
« La nuit, je suis allée aux toilettes avec une lampe torche. Deux hommes armés m’ont arrêtée sur le chemin et m’ont dit de leur donner mon téléphone. Quand je leur ai dit que je n’en avais pas, ils m’ont traînée au fin fond de la forêt. Ils me disaient tout le temps qu’ils me frapperaient avec le manche de leur arme si je ne marchais pas assez vite.
Je me suis contentée d’obéir à leurs ordres, car j’avais peur qu’ils me tuent. Une fois en pleine forêt, ils m’ont battue et m’ont violée. »
« Maintenant, j’ai peur d’aller où que ce soit. J’entends en permanence leurs menaces : ‘On va te tuer. On va te tuer’. Quelquefois, je me demande si rien de tout ça ne serait arrivé si j’avais eu un téléphone à leur donner. »
Rien qu’en 2023, le CICR a fourni des services de santé mentale et de soutien psychologique à 3.233 personnes survivantes et victimes de violences sexuelles.
Les récits de souffrance et de résilience en RDC ne doivent pas rester dans l’ombre. En partageant ces histoires, vous aidez à briser le silence qui entoure les violences sexuelles et soutenez les survivant·es dans leur quête de justice et de guérison.