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L'action internationale

Face aux catastrophes, la meilleure réponse est l’anticipation

En Belgique, les inondations de 2021 ont rappelé que les catastrophes naturelles ne sont pas des réalités lointaines. Mais dans de nombreux pays partenaires d’Afrique, ces risques sont quotidiens. Saviez-vous, qu’à l’international la Croix-Rouge dispose d’une expertise en réduction des risques de catastrophe ?

Nous avons rencontré Boubacar Badji, Conseiller Régional en gestion des catastrophes en Afrique de l’Ouest pour la Croix-Rouge de Belgique. Son témoignage nous plonge dans la réalité du terrain, entre urgence et anticipation, et fait écho aux actions concrètes menées par les communautés locales avec l’appui de la Croix-Rouge.

Identifier le risque avant qu’il ne se transforme en catastrophe

Basé au Burkina Faso, Boubacar Badji accompagne les sociétés nationales partenaires de la Croix-Rouge de Belgique dans la gestion des catastrophes et la réduction des risques.

« Nous aidons nos partenaires à structurer leurs réponses, à former des équipes, à équiper les volontaires, mais aussi à sensibiliser les communautés aux risques auxquels elles sont exposées »

Les catastrophes les plus fréquentes dans les pays où il intervient sont les inondations, les sécheresses et les vagues de chaleur.

« Une inondation, c’est plus qu’un débordement d’eau. C’est une rupture des équilibres : les routes sont coupées, les écoles fermées, les maisons endommagées. Les droits fondamentaux sont menacés. »

Derrière chaque catastrophe, il y a des vies bouleversées. Pourtant, il ne s’agit pas d’une fatalité.

« Un risque, c’est l’exposition à un aléa multiplié par nos vulnérabilités. Si nous connaissons le risque, nous pouvons agir avant qu’il ne se transforme en catastrophe. »

Les obstacles à la prévention sont nombreux : manque de politiques publiques, de financements, d’outils institutionnels, mais aussi de connaissance du risque au niveau communautaire.

« Si une communauté ne connaît pas les risques auxquels elle est exposée, elle ne peut pas les prévenir. »

Plan d’action de prévention : des solutions locales et durables

La Croix-Rouge de Belgique agit sur trois fronts :

Appui à la création de plans de contingence et de coordination.

Imaginez une inondation : qui alerte la population ? Où se rendent les secours ? Comment distribuer l’eau potable ? Un plan de contingence, c’est un outil qui permet de répondre à toutes ces questions avant que la crise n’éclate. Il aide à identifier les risques, à imaginer différents scénarios selon leur gravité, et à définir les actions à mener pour chaque situation.

La réponse est toujours coordonnée : la Croix-Rouge travaille avec les autorités, les ONG et les communautés pour que chacun sache quoi faire, sans doublons, et avec un maximum d’efficacité.

Formation, équipement et préparation de stocks d’urgence.

Sur le terrain, préparer un plan d’action consiste à former les équipes de réponse afin qu’elles sachent comment intervenir en cas de catastrophe : évacuation, premiers secours, gestion de l’accueil, etc.

Cela implique également de constituer des stocks d’urgence — tentes, couvertures, kits d’hygiène, nourriture, eau potable — pour répondre rapidement aux besoins essentiels des personnes touchées.

Enfin, il est crucial d’équiper les volontaires avec du matériel adapté : gilets, lampes, radios, trousses de secours… afin qu’ils puissent intervenir efficacement et en toute sécurité dès les premières heures de la crise.

Mise en place de systèmes d’alerte précoce, sensibilisation et actions locales.

Au niveau local, la prévention passe par la mise en place de systèmes d’alerte précoce : alertes par radio, haut-parleur, SMS ou porte-à-porte, ainsi que par l’organisation de séances d’information et de sensibilisation auprès des habitants des zones à risque. L’objectif est de leur permettre de mieux comprendre les dangers, tels que les glissements de terrain ou les éboulements, et de savoir comment réagir.

Les volontaires les accompagnent dans l’identification des zones à évacuer, l’élaboration de plans familiaux d’urgence, le renforcement des habitations et la mise en place d’exercices d’évacuation. Le but est que chacun sache quoi faire avant, pendant et après une catastrophe.

Boubacar illustre :

« Au Niger, dans la zone de Niamey, une alerte a permis d’évacuer à temps les habitants avant le débordement du fleuve. Grâce à la préparation, il n’y a pas eu de pertes humaines. »

Il fait également référence à une initiative menée dans la commune rurale de Kiéché, au Niger :

« Les communautés, avec l’appui des volontaires de la Croix-Rouge nigérienne, ont traité un koris[1] menaçant plusieurs villages. Grâce à des gabions[2], elles ont stabilisé les berges, restauré la végétation et réhabilité la voie d’accès. Cette action a permis de relancer les activités socioéconomiques comme le transport des récoltes vers les marchés, l’accès aux soins de santé, ou encore la reprise des échanges commerciaux entre villages. En reconnectant les villages à la route nationale, elle a facilité la vie quotidienne et renforcé la résilience locale »

[1] Un kori est un cours d’eau temporaire ou intermittent, typique des régions du Sahel. Il reste à sec la majeure partie de l’année et ne transporte de l’eau que pendant la saison des pluies. Ces ravins jouent un rôle écologique et agricole important, notamment en alimentant localement les nappes phréatiques, mais ils peuvent aussi être des sources d’érosion et d’inondations, ce qui justifie des aménagements pour les maîtriser.
[2] Les gabions sont des cages métalliques remplies de pierres, placées pour ralentir l’eau, stabiliser les berges et limiter les dégâts.

 

Installation de gabions à Kiéché, Niger

Au Mali, les inondations d’août 2024 ont été les plus graves des 60 dernières années. Boubacar y fait écho en soulignant :

« Les événements climatiques extrêmes se multiplient. Il faut des réponses durables.»

  • Construction de digues anti-inondation et anti-érosives
  • Réhabilitation d’infrastructures comme le pont de Gouni
Travaux de réhabilitation du pont à Gouni, Mali

Au Sénégal, la Croix-Rouge soutient des initiatives communautaires qui allient protection de l’environnement et sécurité alimentaire :

  • Protection côtière : replantation de mangroves pour freiner l’érosion, limiter la salinisation des terres agricoles et préserver les habitats naturels.
  • Agroécologie : le reboisement pour restaurer les sols et améliorer les rendements.
Tri de plans de mangroves, Sénégal

Boubacar souligne :

« Ces actions permettent aux familles de mieux vivre de leurs terres, tout en renforçant leur résilience face aux aléas climatiques. »

Des pratiques qu’on peut reproduire en Belgique ?

Les inondations de juillet 2021 ont rappelé que nous ne sommes pas à l’abri. Les similitudes sont frappantes : fortes pluies, débordement de fleuves, manque de préparation et de culture du risque.

« Les populations, ici comme là-bas, n’étaient pas prêtes à affronter un phénomène d’une telle intensité. Mais la grande différence, c’est la capacité de relèvement. En Europe, les infrastructures et les moyens permettent de reconstruire plus vite. En Afrique, l’eau peut stagner des mois. »

Pour Boubacar, les leçons sont les mêmes :

« La préparation, l’anticipation, la coordination et l’éducation au risque sont les clés. Il faut se connaître, se former, et s’organiser avant la crise. »

 

Ces projets s’inscrivent dans le programme de résilience communautaire 2022–2026, qui vise à renforcer les capacités locales face aux effets du changement climatique, financé par la Direction Générale de la Coopération belge au Développement (DGD)